Article initialement publié dans Forbes France le 21/08/2017
Nombre d’experts se disputent le podium des meilleures qualités à développer pour mieux innover. On y trouvera dans un mouchoir de poche la naïveté et l’audace par exemple, la capacité à déceler les opportunités, les besoins et à y répondre de manière juste.
A y réfléchir, une seule qualité s’avère être le fondement de l’innovation et de bien d’autres évolutions sociales ou sociétales. Et pourtant vous le verrez, ce n’est pas la qualité la plus partagée ! Nous parlons de l’empathie.
Si dans l’imaginaire collectif la naïveté est associée à l’enfance, l’audace à une qualité plutôt masculine, l’empathie pourrait être son pendant : une qualité assez féminine. L’empathie apporte un équilibre conciliateur et constructif en invitant à comprendre et embrasser une multitude de points de vue, de ressentis, d’analyses d’où qu’ils viennent et en faire les nôtres. Cela va donc plus loin que le simple constat ou partage (la sympathie), il s’agit de viser la symbiose.
Si l’œil neuf du naïf permet de déceler un besoin et l’audace permet de construire une réponse, c’est l’empathie qui permettra d’adapter au mieux la solution à l’utilisateur ciblé. L’empathie est à la base de la compréhension des usages, à la compréhension des utilisateurs, en somme à la base du design thinking. Mais l’empathie va plus loin qu’une analyse qui considère l’utilisateur comme un sujet de test, elle permet de se mettre à sa place dans toute sa complexité, dans toute son humanité.
Pourtant dans nos civilisations modernes, l’empathie est peu affirmée comme une qualité à développer. Elle est souvent vue comme une entrave, une lourdeur émotionnelle ingérable. C’est une qualité rare et bien souvent incomprise, vue comme une sensibilité un peu trop exacerbée, disons même de la sensiblerie. En effet, l’empathie intègre plus qu’une relation aidant / aidé, client / fournisseur, elle vise à fusionner les attentions et les intentions. Idéalement elle devrait être à double sens. L’innovateur doit être empathe et se fondre dans le vécu des utilisateurs qu’il cible, mais le client inversement devrait aussi progressivement montrer une forme d’empathie envers l’innovateur pour l’aider à être plus efficace dans sa démarche et, accessoirement, comprendre et accepter une forme de rétribution. Voilà pour l’idéal.
Le constat aujourd’hui démontre un défaut patent de cette qualité dans notre société. En effet, l’empathie nous confronte au malaise, aux dilemmes, à l’indignation. Il suffit d’observer certains comportements ou décisions des gouvernements, entreprises, qui reposent toujours in fine sur des individus, face à l’immigration, la migration, l’appauvrissement, l’exclusion, le vieillissement, la maladie, le handicap… Et si nous dépassions le sensationnalisme et ces émotions inconfortables pour les transformer en actes constructifs, tels que les entreprendraient nos contemporains naïfs et audacieux ?
Imaginez le monde que nous pourrions construire. Imaginez les innovations durables qui en ressortiraient. Imaginez l’harmonie qui pourrait peu à peu émerger. Imaginez les fractures qui pourraient être progressivement comblées.
N’est-ce pas là finalement que réside le défi des prochaines innovations d’ampleur ? L’innovation de demain devrait avoir cette ambition de construire un monde meilleur pour tous. L’empathie est peut-être la qualité clé à promouvoir, valoriser, enseigner et ce, dès le plus jeune âge. D’autant que cette qualité devrait être l’une de celle qui nous différenciera des intelligences artificielles !