ou comment faire semblant d’avoir une stratégie de propriété industrielle, notamment quand on n’en a pas les moyens…
Voilà un titre peu habituel pour un article qui répond à certaines des questions qui me sont fréquemment posées, et mettant en lumière des pratiques non conventionnelles du brevet d’invention.
Je m’excuse par avance auprès des Conseils en PI à qui je vais procurer quelques sueurs froides !
La majeure partie du temps, mon discours va dans le sens favorable du dépôt de brevet, quand c’est possible et pertinent pour la stratégie de développement de l’entreprise. En effet, le brevet a des avantages indéniables dans le sens où il peut vous conférer un monopole d’exploitation sur une invention dont vous êtes propriétaire. En matière de valorisation, c’est le Graal.
Souvent, l’argument allant à l’encontre du dépôt de brevet est son coût (dépôt ou défense des droits) ou le fait que son contenu soit publié (et donc accessible aux concurrents).
Côté publication, il faut savoir qu’elle intervient aux environs des 18 mois après le dépôt de votre demande de brevet initiale. Cela laisse donc du temps pour prendre de l’avance en sous-marin sur vos concurrents.
Côté coût, le système de dépôt de brevet est plutôt bien fichu. C’est un fait souvent méconnu et ignoré, mais pourtant vrai. Le brevet ne devient coûteux que si votre brevet est maintenu. S’il est maintenu, a priori, c’est qu’il vous rapporte plus qu’il ne vous coûte. Principe simple de retour sur investissement.
Voyez plutôt le déroulement d’un processus classique de dépôt et les coûts approximatifs associés (à noter que maintenant vous pouvez aussi faire une demande de brevet européen, plutôt qu’un simple dépôt national – en France ou ailleurs) :
Dans la plupart des cas, le dépôt de brevet demande un investissement initial sur 30 mois de l’ordre de 10 à 12 k€ pour une protection que l’on souhaite pouvoir élargir à l’international.
En fait, à ce stade, vous avez simplement établi une date de priorité à vos demandes de brevets dans les territoires souhaités (la date à partir de laquelle vous serez sensé être protégé). Le processus décrit ci-dessus vous donne le loisir de réfléchir à ces territoires durant 30 mois, ce qui permet d’adapter votre stratégie de protection à vos souhaits de développement, sans pour autant avancer des sommes astronomiques. Au bout des 30 mois, vous devez choisir les pays où assurer la protection, c’est à ce moment que les coûts sont plus importants. Ensuite, seules les annuités (bien plus modestes en comparaison) s’appliqueront.
Toutefois, certains estiment que les 10 ou 12 k€ de départ représentent un investissement trop important.
Ces montants sont ceux appliqués lorsque l’on s’adresse à des cabinets de conseils en propriété intellectuelle (« CPI » de leur petit nom). Si vous déposez directement votre brevet auprès de l’INPI sans passer par des professionnels de cet exercice délicat, il ne vous en coûtera qu’entre 700 et 800 €, mais sa protection sera faible car il sera, selon toute probabilité, mal rédigé, non recevable, aisément contournable ou opposable…
Soyons clairs, ce n’est pas une stratégie recommandable
si vous recherchez une réelle protection !
Néanmoins, si votre stratégie n’est que de dire « avoir déposé un brevet », « pour faire peur » ou « pour vous montrer plus fort », sans intention particulière de faire valoir vos droits ultérieurement… En somme, si vous ne considérez qu’une stratégie de communication et non de protection de vos droits, vous pouvez opter pour cette solution moins onéreuse. Pour ne pas perdre la face ensuite, vous pouvez retirer votre demande de brevet avant qu’elle ne soit publiée au bout de 18 mois. Puis renouvelez l’opération à l’envie… Seulement, si vos concurrents sont à l’affût, ils s’apercevront assez vite (18 mois ou plus s’ils sont moins vigilants et consciencieux) que votre stratégie PI est inexistante…
Si vous avez davantage les moyens pour une telle stratégie de communication, vous pouvez en profiter pour faire des dépôts plus sérieux, avec l’appui de professionnels, mais sans (trop) étendre votre protection à l’étranger.
Toutefois avoir un brevet uniquement français n’a généralement que peu de valeur dans une stratégie de développement d’entreprise ou de valorisation d’une innovation. Cependant, vous serez au moins protégé e France et en mesure de défendre vos droits sur ce bout de territoire (si vous acceptez le principe de publication, évidemment)!
Autre astuce, et non des moindres s’il s’agit d’une course pour être le premier déposant :
prendre une date de priorité précoce avec un dépôt minimaliste, même rédigé personnellement, puis dans le délai de 12 mois à compter de ce dépôt, prévoyez la somme de 5 à 6 k€ pour faire réécrire votre brevet par un professionnel et assurer une protection plus forte par la suite et assurer des extensions adaptées.
Alors quel fourbe êtes-vous en matière de protection par brevet?