Appelons à l’Innovation responsable !

Appelons à l’Innovation responsable !

Article de Sylvie Gamet initialement publié sur Forbes France le 12/09/2018.

Que nous soyons citoyens, salariés, entrepreneurs, politiciens, deux discours semblent se télescoper quotidiennement dans nos canaux de communication : d’une part celui de l’innovation, « Innovez ! » pérorent les uns, d’autre part, celui de la responsabilité citoyenne : « Soyons plus responsables ! » déclament les autres, scandales à l’appui, comme témoins de notre fin inexorable, se suivant et se ressemblant. Valse des temps modernes qui tourne en boucle sans ne jamais laisser entrevoir l’outro.

Sans que l’association de l’innovation et de la responsabilité ne semble à première vue contradictoire, il semble pourtant que les prêcheurs de l’un ou l’autre des discours aient des objectifs souvent incompatibles…

D’abord, on entend davantage l’invective « Innovez ! » qu’ « Innovons ! », comme si l’innovation était quelque chose de bien, mais bien meilleure tout de même quand elle émane et est à la charge des autres. Normal, innover, cela reste risqué. Cela demande de l’investissement pour une finalité parfois incertaine, voire une issue improbable ! Et dans l’imaginaire collectif, innover revient aux créatifs, aux entrepreneurs, aux génies, aux artistes… Et puis quand l’innovation ne marche pas, il est plus confortable de taper sur les autres, disons-le.

Pour ce qui est d’être responsable, la première personne du pluriel est souvent préférée car il n’est pas acceptable dans un discours de s’extraire du mouvement, démarche de responsabilité qui comme chacun sait est l’affaire de chacun. Et pour autant, derrière l’hypocrisie manifeste, quand il s‘agit d’agir, les regards se portent sur les ONG, les politiciens, tellement la tâche semble colossale pour chacun de nous. La société attend toujours son messie. Et il est peu probable qu’il se manifeste.

Sous ces deux invectives, si nous optons pour la facilité de la caricature bienveillante, nous allons trouver deux mouvements forts et radicaux :

  • la « startup nation », l’ « innovation washing », où innovations et disruptions se côtoient dans une complaisance entendue et où la prise en compte environnementale, sociale, sociétale, la réflexion philosophique est le pré carré de l’économie sociale et solidaire (entrepreneurs à dreads et porteurs de sarouels dans l’imaginaire collectif).
  • les activistes écologistes, climato-anxieux et prêcheurs de fin du monde qui pointent du doigt, à raison, nos modes de consommations irresponsables, et donc l’innovation à tous crins qui avance sans queue ni tête vers on ne sait quel monde futur, désirable…ou pas.

Les premiers voient les seconds comme des personnes utiles mais qui ne doivent pas trop les empêcher d’accéder au statut de Steve Jobs un jour. Et les seconds diabolisent les premiers qui ne semblent pas, pour une majorité, porter le monde vers un futur désirable pour les générations futures.

Soyons fous, soyons utopiques. N’y aurait-il pas moyen, bien au-delà du mouvement encore restreint de l’économie sociale et solidaire (ESS pour les intimes et membres du sérail), de faire en sorte que l’innovation soit responsable et durable(pour de vrai)? Et que toutes les entreprises ne soient autorisées qu’à innover responsable ? Faudrait-il aller jusqu’à imaginer une commission citoyenne d’autorisation de mise sur le marché pour être coercitif ?

C’est bien sûr une vision de la société complètement disruptive ! L’argent ne serait plus la mesure du PIB, mais plutôt l’impact futur sur l’environnement, le bien être, le vivre ensemble, le vivre sainement, le lien social, la solidarité, l’appartenance de chacun à une société plus équilibrée…

Douce utopie certes. Mais il suffirait de le décider, non pas en haut lieu (car ce seront probablement les derniers à suivre le mouvement), mais en son âme et conscience d’innovateur, d’entrepreneur, de citoyen du monde. C’est une prise de risque, certes. Il est possible que cela échoue de façon désastreuse, car d’autres entrepreneurs profiteront de la situation pour imposer des affaires juteuses, pollueuses, provocant l’isolation sociale… Mais c’est sans compter sur une prise de conscience irrésistible de fond, individuelle plus que collective, qu’il est nécessaire d’évoluer vers un mode de consommation différent, responsable. Et cela n’empêche pas nécessairement de devenir un nouveau Steve Jobs d’ailleurs.

Au-delà des labels et des étiquettes, des « made in », « bio », « éco », « RSE » et autres, faisons en sorte qu’il devienne normal d’inclure ces réflexions dans tout processus d’innovation. L’innovation ne doit plus seulement répondre aux besoins des clients. Elle doit aller bien au-delà. Revêtue de responsabilité, elle devrait intégrer des besoins supérieurs : ceux de notre environnement, de notre écosystème qui n’a ni voix ni argent pour faire valoir ses droits. C’est à ce point d’actualité que même la loi s’adapte dans certains pays pour faire reconnaître les droits d’éléments de la nature (comme un fleuve par exemple) ou les droits des animaux.

Tout nouveau produit ou service devrait s’assurer d’être durable, respectueux de la nature et des Hommes : c’est la base ! C’est le « minimum sustainable product ». La cerise sur le gâteau serait qu’il contribue en plus à améliorer son mode de vie et son expérience de vie.

Cela prendra du temps, mais espérons qu’après cette fièvre de communication et de consommation, l’économie en arrive là prochainement. Tout est question de choix. Et cela commence aussi par les acteurs économiques.

Alors marchons pour le climat, oui. Mais surtout choisissons de faire des affaires en accord avec le monde et les valeurs que nous aimerions voir émerger demain. Développons nos sociétés et nos activités en maîtrisant bien mieux leur impact sur l’environnement – au sens large – local, voire global.

Arrêtons de confronter des mots et slogans, confrontons des visions du futur, des philosophies de vie.

En effet, de tout temps, ce sont les activités économiques qui ont sculptées le monde et la société humaine, et elles dominent toujours. Acteurs économiques, ne cédez pas à la facilité. Prenez vos responsabilités et montrez quel monde vous désirez ardemment pour vos enfants demain. Il est probable que ce désir soit partagé par vos futurs clients, et donc vecteur de développement vertueux.

Cet article est probablement une goutte dans l’océan, mais à force de gouttes…qui sait ce que l’océan deviendra ?

Le messie, le héros, à ne pas s’y tromper, sera un collectif anonyme mais actif.

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